Le jackpot des Jackstraps
Les Vieilles Mousses, le terrain des Jackstraps, vibrait d’une énergie rare. Après deux défaites cuisantes — dont une où Roger Sans-Poils avait confondu le ballon avec sa propre tête — l’équipe la plus échevelée de la ligue venait de décrocher une victoire inespérée : 2 à 1 contre les Elfes Sylvains de l’Équinoxe. Dans le vestiaire, un mélange de grognements joyeux et de craquements d’os résonnait comme une symphonie macabre.
Coach Angus, pour une fois, arborait un sourire tordu, ses dents blanches aux crocs pointus luisant à la lueur des chandelles. « Mes gaillards, vous avez enfin joué comme des zombies dignes de ce nom ! » beugla-t-il, frappant du poing un banc qui gémit sous l’impact. « Deux touchés et notre orgueil racheté … ou presque… » Il fusilla du regard Trippes de Marmotte, qui sortait des bains, ses intestins pendouillants à l’air.
Le zombie du match était Nitro, le « runner » efflanqué dont la vitesse improbable avait figé les Elfes de l’Équinoxe. Avec une agilité rare, Nitro avait sprinté à travers le terrain pour marquer les deux touchés, dansant un quadrille funèbre tel un Danseur de Guerre ressuscité des morts. « Courir… bon pour moi ! » grogna-t-il, brandissant le ballon gagnant comme un trophée, tandis que l’œil de Louise Fatigue-Occulaire pendulait au rythme de ses applaudissements.
La vraie surprise, cependant, était le nouveau venu : Ghuzagal, un zombie pas comme les autres. Avec un panache d’orignal fixé avec de la broche à son casque et une carrure à impressionner … enfin, presque personne, il avait rejoint les Jackstraps tout droit venu du Jackpot, leur club école. Lors d’une mêlée décisive, Ghuzagal avait chargé un elfe comme un minotaure enragé, l’envoyant valser sur le gazon sous les hourras de la foule. « Corne… cogne ! » marmonna-t-il, tapotant son panache avec un grognement satisfait.
Angus, pragmatique, voyait déjà grand. « Avec Nitro qui file comme une chauve-souris des enfers et Ghuzagal qui embroche tout ce qui bouge, la ligue n’a qu’à bien se tenir ! » clama-t-il, ignorant Roger Sans-Poils, qui soupirait sur le banc, encore énamouré de Wolf, la loup-garou des Murmures. Tout le monde savait que Roger avait dédié son seul tacle à sa dulcinée poilue, mais personne n’osait en parler.
Sous un ciel étoilé, les Jackstraps titubèrent hors du vestiaire, leurs grognements presque mélodieux. Une victoire, un héros cornu, un Nitro en feu : la gloire était à portée de main… ou peut-être était-ce juste de la boue ? Quoi qu’il en soit, leurs prochains adversaires feraient mieux de se méfier, car les Jackstraps avaient enfin fait leurs preuves !