Carnet de voyage: Les Hipsters dans le Fion

hipstersLa neige tombant dans le Fion m’empêche de voir à dix verges, pourtant j’y suis bien habitué, moi, à cette ambiance… il faut dire que nous, les Hipsters, nous sommes majoritairement originaires de la forêt boréale.

Ça fait des semaines que je me prépare pour ce match de demi-finale et mes coups de pieds commencent à avoir «de la gueule», comme le dit si bien mon capitaine, Renard Futé. Pourtant, quelque chose me rend inconfortable… le stade du Fion est prêt pour l’événement et le coach aussi, mais mes coéquipiers ne sont pas présents à la pratique. Ils sont abonnés aux absents, partis pavoiser sur quelques tournées de bière Bloodweiser gracieusement offertes par nos adversaires de ce soir.

J’essaie un autre coup d’envoi pour améliorer ma frappe précise.

Depuis que le coach a embauché ce nouveau joueur m’as-tu-vu, Fourmilier Artilleur, avec qui je dois partager mon temps de jeu… il faut dire que je m’emmerde un peu. Les dernières séances de pratique m’ont donné un avant-goût de mon nouveau rôle; botter le ballon puis chercher à retenir l’attention d’un adversaire… «le plus gros du lot» que le coach m’a dit. Fourmilier me remplace ensuite sur le terrain lorsqu’on passe à l’offensive… et force est de constater que mes coéquipiers se débrouillent mieux sans moi.

Alors que je reviens de chercher le ballon qui a une fois de plus fini sa course en plein centre du terrain, mon capitaine est là devant moi.

«Salut Glouton, prêt pour le match ?»
«Oui». Mes sourcils tressaillent, trahissant ma réponse mensongère.
«Ta frappe précise va nous apporter la gloire, ce soir».

Un peu gêné mais pas perturbé, je balaye d’un revers modeste de la main ce compliment.

C’est à ce moment que mes coéquipiers arrivent, les coins arrondis par la bière… en chantant:

«Si ton envie du ballon est compulsive,
Faut par rater ton esquive,
Si y faut rectifier ta défensive,
Faut pas rater ton esquive,
Si t’as un jet de crânes en perspective,

Faut par rater ton esquive,
Car si tu rates ton esquive,
Tu r’tourneras voir ta femme émotive,
Dans une boîte de compost végétative»

Dans le maladroit silence collectif qui suit la soudaine réalisation de la signification de cette dernière phrase, Renard dit: «C’est bon! Je crois qu’on est prêt pour ce match!».

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